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En 2023, 1,3 milliard de voyageurs ont sillonné le monde selon les chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme. Cinquante fois plus que dans les années 50, où les touristes internationaux ne représentaient que 25 millions d’individus. Avec des recettes qui ont atteint 1 400 milliards de dollars, le secteur du tourisme est devenu un moteur essentiel de l’économie mondiale. Un moteur auquel il est difficile de renoncer quand on est une destination susceptible de proposer un patrimoine et une richesse touristique. Pourtant, si les voyageurs augmentent, le nombre de destinations choisies ne semble, lui, pas beaucoup évoluer. D’après l’OMT, 95% des touristes mondiaux visiteraient moins de 5% des terres émergées. Une concentration qui n’est évidemment pas sans conséquences pour les destinations concernées.
Nous vivons une époque du “tout ou rien“. Certaines destinations sont intemporelles alors que d’autres émergent soudainement et disparaissent des cartes touristiques. Ce renouvellement rapide peut avoir un impact profond sur les zones locales, qui subissent des transformations soudaines avant d’être abandonnées à gérer les conséquences négatives, souvent sans avoir tiré de réels bénéfices à long terme.
Davide agazzi
co-fondateur de l’agence d’urbanisme milanaise from
Si le tourisme est une manne économique que beaucoup d’acteurs du territoire cherchent à activer, il peut devenir aussi une force de submersion qui se traduit parfois par des manifestations de rejet de la part d’une population locale qui en subit les excès. « La ville n’est pas faite au départ pour accueillir les touristes, elle s’y adapte, plus ou moins bien » rappelle Rémy Knafou. Pour le géographe « la question centrale est celle de l’acceptabilité du tourisme par la société d’accueil ». Développement du low-cost, effet de l’instagramisation des destinations, généralisation des services d’hébergement du type AirBnB : selon lui, le rejet du tourisme par la population vient d’une combinaison de facteurs qui chasse les habitants des centres-villes, notamment par les prix des loyers. Il parle d’un processus de « touristification ». D’autres préfèrent employer le terme de « surtourisme ». « Le “surtourisme“ est apparu dans les discours publics et académiques autour de l’année 2016, entraîné par les premières protestations locales apparues dans des villes comme Barcelone » rappelle pour sa part Davide Agazzi.
Face à ce phénomène de saturation, les villes s’organisent. « L’expérience barcelonaise a ouvert la voie à d’autres villes qui ont vu qu’il était possible de résister et que le fait de rassembler plusieurs milliers de personnes dans la rue avait de l’effet en particulier sur les politiques publiques » précise Rémy Knafou. Certaines destinations comme Amsterdam ont ainsi institué un plafond de fréquentation. La ville limite désormais le développement des infrastructures d’accueil et bannit les équipements qui attirent un tourisme peu respectueux. D’autres villes comme Barcelone ou New York restreignent désormais le volume de locations de courte durée et l’utilisation de plateformes de réservation. D’autres encore, comme Copenhague, font le pari du nudge pour attirer un tourisme plus responsable, en récompensant les voyageurs venant en train ou faisant le choix du vélo pour se déplacer. Des méthodes pour le moment empiriques, mais qui visent à changer les comportements et réhabiliter un tourisme plus raisonné et raisonnable.
La ville se doit désormais d’intégrer plus largement le tourisme dans sa politique de développement, ce qui milite pour un travail de concertation entre les visiteurs et les habitants.
Les touristes sont bien perçus et bien acceptés lorsqu’ils séjournent dans des hébergements spécifiques, comme des hôtels et des résidences de tourisme, qui leurs sont dédiés. Moins lorsqu’ils viennent s’insinuer dans l’espace le plus intime du quotidien des habitants d’une ville.
Rémy knafou
Géographe
Pour Davide Agazzi, « l’objectif est d’impliquer davantage les habitants et les organisations locales dans le développement de la ville, afin que le tourisme ne génère pas de nouvelles formes d’inégalités. Il ne s’agit pas seulement d’interdictions et de restrictions, mais de concevoir des mécanismes de gouvernance capables de prédistribuer et redistribuer la richesse que le tourisme peut générer » conclut-il.
Un tourisme durable se fera par conséquent en prenant en considération les voix des touristes et celles des habitants, que ceux-ci soient résidents de longue date, temporaires, comme c’est le cas pour les étudiants, ou des citoyens en devenir que sont les jeunes cherchant un lieu où s’installer. Et en réhabilitant aussi le tourisme comme un désir de rencontre et d’authenticité plutôt que comme un usage consumériste.