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Pierre-Yves Guice : Il s’agit d’un projet porté par cinq grands propriétaires de la Défense, qui se sont réunis pour développer une réflexion sur la transformation des bâtiments du quartier. L’ambition est de corriger deux faiblesses historiques de La Défense, héritées de l’époque de sa construction, devenues particulièrement évidentes avec le Covid et les bouleversements qui ont eu lieu à ce moment-là.
La première consiste dans l’hyperspécialisation du quartier autour du travail de bureau. Elle a pour corollaire les bureaux eux-mêmes, tous issus d’une certaine manière de concevoir les espaces de travail, aujourd’hui dépassée. Cette vision connaît une ringardisation accélérée avec l’expansion du télétravail, l’évolution rapide qu’a connue l’organisation des entreprises au cours des quatre ou cinq dernières années, le renouvellement des générations sur le marché du travail, etc.
On veut désormais travailler dans un environnement qui offre les services dont on a besoin : commerces pour faire ses courses, crèche pour faire garder ses enfants, salle de sport ouvertes quasi 24h/24h, etc. Les restaurants du quartier, eux, ne peuvent plus se contenter du service le midi, et doivent développer une offre le soir pour étoffer leurs revenus. Et face à la crise du logement à Paris, la Défense offre des prix attractifs pour les particuliers. Tout cela incite à repenser le quartier autour de la mixité des usages.
La deuxième faiblesse est celle de la très faible résilience de cette forme d’urbanisme au changement climatique et aux crises énergétiques. Elle est l’héritage d’une manière de faire la ville et l’immobilier qui est très énergivore, car datant d’une époque où l’énergie et les matériaux étaient abondants, pratiquement gratuits. Or, nous nous sommes depuis rendus compte que les ressources et l’énergie ne sont pas inépuisables, et que leur usage pose des problèmes à la fois de qualité du cadre de vie et de soutenabilité climatique des villes. On est donc obligé de faire autrement.
Pierre-Yves Guice : Il y a deux dimensions : la construction de nouveaux projets et la révision du bâti existant. Concernant la première, nous avons lancé en 2022 un appel à projets, baptisé « Empreintes », visant à développer des preuves de concepts, des démonstrateurs de ce que pourrait être demain l’immobilier à La Défense. Objectif : prouver qu’on n’est pas condamnés à reproduire sans cesse les mêmes immeubles de bureaux, les mêmes formes d’immobilier que ce qui existe depuis 60 ans.
Pour ce faire, nous avons sélectionné quatre projets, tous portés par des investisseurs et des architectes, qui font la part belle à la mixité fonctionnelle. Aux bureaux, on ajoute des logements, des commerces, des équipements sportifs. Il s’agit en outre de bâtiments avec un plus haut niveau de qualité environnementale, via des choix architecturaux qui dénotent des tours traditionnelles. C’est par exemple grâce à cet appel à projets que verra le jour le plus grand bâtiment en construction hors site de France, avec une préfabrication en structure bois. C’est aussi grâce à lui qu’on aura la première vraie tour respectant le niveau 2025 de la réglementation environnementale française.
Pour la seconde dimension, la révision du bâti existant, un travail intense sur la transformation et la régénération du parc immobilier existant a été mis en œuvre avec les grands propriétaires du quartier. La Défense, c’est un peu moins de 4 millions de mètres carrés de bureaux aujourd’hui. Sur ce total, il y a environ 1 million de m² techniquement obsolète, c’est-à-dire qui n’a pas été rénové depuis plus de 20 ans.
Ce sont des bâtiments qui peuvent porter en eux les germes d’un changement d’usage, d’une remise en cause de cette mono-fonctionnalité du quartier. Concrètement, on profite de ces restructurations pour développer des commerces en pied d’immeubles, des équipements publics qui contribuent à l’animation générale. On peut notamment citer la restructuration de la tour Aurore, qui a été livrée au deuxième semestre 2024. Ce bâtiment, typique des années 70, a été doté, à la faveur de sa rénovation, d’un pavillon qui regroupe des commerces, des restaurants, mais aussi une école hôtelière, des espaces de travail collaboratif… autant d’éléments qui permettent d’ouvrir le bâtiment sur la ville et d’éviter qu’il fonctionne en vase clos.
Citons aussi la tour Ariane, dotée de commerces en pied d’immeuble, ainsi que le bâtiment CB3 qui va accueillir Sanofi l’an prochain, avec également des commerces, des terrasses de restaurants, etc. Nous pouvons citer encore CB21, un bâtiment qui a plus de 50 ans, et qui a été intégralement repensé par son propriétaire Covivio, avec une large offre de services au rez-de-chaussée, des espaces de réunion, des locaux sportifs.
Ce mouvement de transformation des bureaux est donc bien engagé. L’étape suivante sera de transformer certains immeubles plus radicalement, pour y introduire des logements, de l’hôtellerie, afin d’aller encore plus loin dans la diversification. Deux bâtiments de bureaux ont déjà été transformés en hôtels, mais on pourrait faire beaucoup plus. L’idée est vraiment de profiter de ce mouvement de remise à niveau des immeubles existants, qui est de toute façon nécessaire pour optimiser les résultats du quartier sur les items de performances environnementales et énergétiques, afin de développer des usages qui manquent aujourd’hui à La Défense.
En réalité, une tour est beaucoup plus flexible qu’un immeuble haussmannien parisien, où on se retrouve vite limité par la trame de façade, les murs porteurs, le fait que les plateaux soient petits, etc. En l’adaptant aux besoins du moment, les entreprises sont en train de redécouvrir les intérêts de la tour.
Pierre-Yves Guice, directeur général de l’établissement public Paris La Défense
Pierre-Yves Guice : On s’est rendu compte, notamment ces dernières années, que même dans une tour rectangulaire avec une structure géométrique, il était possible de penser des espaces modernes, agréables et propices au travail collectif, plus adaptables et plus flexibles.
Une tour est en réalité un actif très polyvalent. On peut, par exemple, utiliser sa structure pour faire des locaux d’enseignement, de diffusion, de présentation publique. Il y a aussi des choses toutes simples : par exemple, on a redécouvert avec le Covid la vertu des escaliers. On ne voulait plus être enfermé dans les ascenseurs, mais pouvoir voir les gens, se déplacer librement.
Sur toutes les restructurations récentes de tours, on voit donc apparaître des escaliers qui permettent d’aller d’un étage à l’autre, et, ce faisant, de créer des unités de vie à taille humaine. Pour reprendre l’exemple de la tour Aurore, il y a maintenant des trémies qui connectent les étages deux à deux, pour en faire de grands espaces de 2 500 m².
De même, dans la tour The Link, qui sera le futur siège de Total, les escaliers permettent de faire des ensembles de 3 000, 4 000 m², qui rassemblent entre 150 et 200 personnes. Cela permet de se retrouver dans une ambiance beaucoup moins anonyme, presque familiale. En utilisant les bons côtés des tours, leur architecture rationnelle, on arrive donc à façonner des environnements de travail beaucoup plus agréables.
En réalité, une tour est beaucoup plus flexible qu’un immeuble haussmannien parisien, où on se retrouve vite limité par la trame de façade, les murs porteurs, le fait que les plateaux soient petits, etc. En l’adaptant aux besoins du moment, les entreprises sont en train de redécouvrir les intérêts de la tour.
FranceCourbevoie