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La réglementation énergétique et environnementale des bâtiments oblige aujourd’hui à réfléchir aux questions d’efficacité énergétique, mais aussi au bilan carbone et au cycle de vie des matériaux de construction. Cela pose des questions de viabilité de certains matériaux comme l’aluminium ou le béton, qui sont extrêmement énergivores et n’ont aucune qualité environnementale. Il y a aussi le verre, qui est aujourd’hui un matériau technique, apte à limiter le rayonnement du soleil, mais complexe à mettre en œuvre et à recycler. Ces matériaux sont extrêmement dommageables en termes de bilan carbone et il n’existe pour le moment pas vraiment de solution pour les remplacer.
Certains réclament l’arrêt de toute construction faisant appel à ces matériaux. C’est un peu radical, mais cette radicalité permet de réfléchir sérieusement à améliorer les choses. Je pense à ce titre que, d’ici une dizaine d’années, on va assister à une évolution en matière de décarbonation du béton. On va parvenir à intégrer de l’argile pour remplacer le ciment, qui plombe encore son bilan carbone.
D’une manière générale, je pense que tous les matériaux géosourcés, c’est-à-dire issus de nos sols, vont se développer et se jumeler avec d’autres matériaux naturels comme le bois. Aujourd’hui, il reste encore des problèmes techniques ou d’assurance à régler pour faire évoluer le paradigme et permettre le développement de ces matériaux.
Il y a un fort désir de revenir à des matériaux anciens. On le constate dans les écoles d’architecture. Les jeunes ont envie de se réapproprier certains matériaux. Il y a un gros travail réalisé autour de la pierre pour essayer de la démocratiser et de réduire ses coûts, qui restent la première barrière à son développement. C’est une matière première qui a d’énormes qualités thermiques et qui nécessite très peu de matériaux en seconde œuvre. Les résidus de découpes de pierres peuvent par exemple être utilisés pour faire de l’enduit. On peut aussi noter l’utilisation de la paille hachée ou de la paille soufflée pour l’isolation. Ce sont des matériaux qui peuvent être trois à quatre fois plus performants que les laines traditionnelles. Mais ce sont aussi des matériaux naturels qui ne supportent pas l’humidité et demandent plus d’attention dans leur mise en œuvre. Cependant, pour moi, le matériau du futur est celui qu’on réutilise et qui nécessite d’apprendre à faire avec ce qui est déjà là.
La principale limite est la logistique à mettre en place derrière le travail de sourcing permettant d’identifier les chantiers et les matériaux de réemploi. On devrait pouvoir savoir, quand on démolit un bâtiment, s’il y a des menuiseries, des volets, des garde-corps, des planchers à récupérer. Des consultations sont aujourd’hui lancées par des bailleurs, des aménageurs ou des acteurs publics pour assurer ce sourcing et voir, en amont d’un chantier, quels matériaux il est possible de réutiliser. Cela représente toute une ingénierie à mettre en place pour savoir comment récupérer ces matériaux, comment les trier, comment les stocker. Ce travail peut avoir un impact financier conséquent sur le coût d’une construction et donc limiter considérablement le développement du réemploi.
Un certain nombre de collectifs de jeunes architectes et d’ingénieurs se sont formés et font de cette expertise de réemploi une spécificité. Des startups réfléchissent à des plateformes numériques susceptibles de répertorier les chantiers et les matériaux réutilisables. Certains grands groupes comme Bouygues rachètent actuellement des entreprises qui réutilisent du bois, récupèrent les polystyrènes sur des démolitions ou réfléchissent au concassage des bétons pour en faire un vrai matériau de réemploi.
La technologie va nous permettre d’avancer énormément sur ces sujets et éviter d’envoyer à l’autre bout du monde des matériaux dont on ne veut plus chez nous. Elle doit nous servir pour trouver de nouveaux matériaux, mais aussi pour permettre leur recyclage et leur réemploi. Beaucoup de jeunes ingénieurs travaillent sur le sujet.
Il va y avoir un retour à la simplicité, au vernaculaire. Aux filières locales, qui vont permettre de retrouver le fil avec nos territoires et limiter, par conséquent, l’impact carbone des transports de matériaux. Il y a en tous les cas une vraie prise de conscience de tous les acteurs de la construction. Pour moi, l’enjeu principal, c’est de quitter la vision à court-terme qui tire sur les prix des matériaux. Il faut arrêter de dire qu’une construction de qualité coûte plus cher. Quand on met un peu plus d’argent dans les matériaux d’un bâtiment, on le retrouve par la suite lors de son entretien et, in fine, son bilan carbone. Il va cependant falloir, à l’avenir, s’entourer de spécialistes qui sachent arbitrer entre la technologie, la réglementation et les nouveaux matériaux. Il y a aujourd’hui des mouvements fantastiques qui émergent, comme ceux liés à la frugalité. De nombreux architectes et ingénieurs ont lancé ce mouvement autour d’un manifeste. Ce type d’initiatives réunit autour de la table des gens extrêmement compétents qui font avancer les choses.