Pour des espaces de travail inclusifs

  • Bureau
  • Design
  • RSE

Experts

L’environnement de travail peut-il favoriser la mise en place de politiques inclusives dans les entreprises ? C’est pour répondre à cette question que nous sommes allés à la rencontre de Maya Hagège, Déléguée Générale de l’Association Française des Managers de la Diversité (AFMD), et du Professeur Giulio Ceppi, architecte, designer et professeur à L’Université Polytechnique de Milan, qui a accompagné Covivio dans la réalisation de l’étude « Du lieu de travail au lieu de vie - Scénarios et recommandations pour concevoir des espaces de travail plus inclusifs ».

Quand on parle d’inclusion en entreprise, de quoi parle-t-on ?

Maya Hagège : L’inclusion, c’est une culture qui garantit que chaque salarié se sente traité avec respect et équité, valorisé comme un individu unique, se sente appartenir à l’organisation, et qu’il ait la légitimité, ainsi que le pouvoir d’exprimer ses idées et de collaborer avec les autres. L’inclusion est une démarche que l’on réalise en parallèle de la mise en place de politiques de non-discrimination et de diversité. Pour le dire simplement, on ne peut pas « faire de l’inclusion » si on continue à discriminer. La non-discrimination, parce qu’elle amène à éviter des différences de traitement non justifiées, est un vecteur d’inclusion.

Professeur Giulio Ceppi : Une politique d’inclusion permet d’instaurer une culture d’entreprise inclusive, c’est-à-dire fondée sur la valorisation des différences individuelles. La mise en œuvre de politiques de diversité et d’inclusion dans les entreprises favorise le sentiment d’appartenance à l’entreprise. C’est donc un véritable atout stratégique de performance pour les organisations.

Comment définiriez-vous un bureau inclusif ?

Professeur Giulio Ceppi : Un bureau inclusif tient compte de la diversité des besoins et des préférences des collaborateurs. Il ne sépare pas les collaborateurs, il n’attire pas l’attention sur eux, il ne stigmatise personne, créant ainsi un environnement de travail serein et, par conséquent, une organisation plus innovante et plus productive.
Concevoir un lieu de travail inclusif ne signifie pas seulement se concentrer sur les différences physiques et culturelles, mais aussi sur les différents styles de travail et les différents besoins concernant l’utilisation de l’espace, le design, les meubles, ainsi que les activités et les services offerts dans les bureaux.

Un bureau inclusif prend en compte la diversité des collaborateurs qui évoluent au sein de l’entreprise, ainsi que la réalité des situations de toutes les personnes qui composent le collectif de travail.

Maya Hagège
Déléguée Générale, Association Française des managers de la diversité

Depuis quand les entreprises se sont-elles saisies du sujet ?

Maya Hagège : La question des bureaux inclusifs est assez récente en France. La diversité et l’inclusion sont majoritairement restés des sujets liés aux ressources humaines et/ou à la RSE et abordés sous le prisme des comportements, de l’ambiance de travail, etc. Peu d’entreprises vont faire le lien entre bureaux et politiques diversité et inclusion – au-delà des enjeux d’aménagements de poste liés aux handicaps. C’est pourquoi le sujet était jusqu’à présent abordé sous l’angle de l’environnement inclusif plutôt que d’espace de travail à proprement parler. Celles qui se sont saisies du sujet du bureau inclusif l’ont fait car cela avait un lien avec leur business et leur cœur de métier. Mais il y a aussi des entreprises qui ont dû se saisir du sujet car il est entré de fait dans l’entreprise. Par exemple, quand une grande entreprise du secteur automobile a dû penser l’inclusion concernant ses sanitaires avec l’arrivée des femmes dans ses effectifs. Aujourd’hui, avec l’évolution des débats sociétaux, ils réfléchissent à l’ajout de toilettes non-binaires.

Professeur Giulio Ceppi : Nous sommes passés d’une conception de la diversité comme un problème à résoudre à une conception de la diversité qui apporte de la valeur à l’entreprise, non seulement socialement mais aussi économiquement. Recruter des personnes différentes dans l’entreprise est une chose, mais il est nécessaire de savoir comment les inclure, d’où la mise en œuvre de politiques de diversité et inclusion (D&I) ou, comme cela est plus souvent mentionné ces dernières années, des politiques de diversité, équité et inclusion (DE&I). Cette évolution vers une gestion plus consciente et plus inclusive des collaborateurs se retrouve en Italie non seulement au sein des multinationales – qui travaillent sur cette question depuis un certain temps et ont donc une plus longue expérience – mais aussi, de plus en plus, au sein des PME.

Au sein des entreprises, quels acteurs se saisissent du sujet ?

Maya Hagège : Historiquement les RH, suivis par les fonctions communication, et notamment la communication interne, à travers la mise en place d’actions de sensibilisation des collaborateurs. Ensuite, le sujet a émergé dans la fonction achats, avec notamment la question des achats responsables. Plus récemment, 2021-2022, la communication externe et plus précisément la marque employeur, a mis ce sujet à l’agenda.
Il y a aussi des fonctions qui aujourd’hui ne se soucient pas encore du sujet mais qui devront le faire demain. Je pense ici à la finance, du fait notamment de la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier.
Mais je dirais que l’inclusion étant un sujet de plus en plus prégnant, il va nécessairement arriver dans toutes les directions de l’entreprise.

Professeur Giulio Ceppi : On voit la même dynamique en Italie. Les résultats de l’auto-évaluation D&I 2023 de Sodalitas* donnent un aperçu de l’évolution de la situation. La moitié des organisations prévoit d’inclure des objectifs liés au D&I dans l’évaluation de la direction, ce qui prouve que cette question relève de plus en plus de la responsabilité de tous les membres de l’entreprise.

Comment un acteur de l’immobilier peut-il aider les entreprises à concevoir des espaces de travail inclusifs ?

Un acteur immobilier tel que Covivio peut aider les entreprises à concevoir des espaces de travail inclusifs en se concentrant sur trois aspects principaux : l’architecture des espaces, le design et l’ameublement, et les services offerts.

Giulio Ceppi
architecte, designer et professeur à L’Université Polytechnique de Milan

En ce qui concerne l’architecture des espaces, il s’agit d’intégrer l’immeuble dans le tissu urbain et le territoire, de le lier à la ville. Il est aussi question de la perméabilité des espaces, de la présence de services et de l’accès à des espaces verts extérieurs. Quant au design et à l’ameublement, cela se concentre surtout autour du mobilier, qui doit être ergonomique et confortable pour tous, offrant la liberté de travailler de manière flexible, collaborative ou autonome. Enfin, la composante servicielle est fondamentale aujourd’hui. Il s’agit de proposer des services qui  simplifient le quotidien des collaborateurs tout en améliorant leur bien-être. Conciergerie, salle de sport, offre de restauration, services liés à la parentalité, etc.

Quels résultats peut-on observer à la suite du déploiement d’espaces de travail inclusifs ?

On est aujourd’hui aux prémices des évaluations concernant les effets des programmes déployés, mais on observe une ouverture du dialogue et de la parole, notamment à travers une augmentation des signalements pour discrimination. L’AFMD va d’ailleurs publier un ouvrage sur la question de l’évaluation des dispositifs D&I en octobre prochain.

Maya Hagège
Déléguée Générale, association française des managers de la diversité

Le bureau inclusif idéal il est…

Professeur Giulio Ceppi : Le bureau inclusif idéal est basé sur l’implication des utilisateurs finaux, dont la participation au processus de conception est l’un des outils les plus puissants dont disposent les entreprises pour donner une voix à la communauté qui habite leurs espaces. La co-création d’espaces de travail doit également prévoir l’implication active et en amont de toutes les parties prenantes du projet.

Maya Hagège : Le bureau inclusif idéal n’est pas un bureau tangible, c’est un bureau qui, du fait du développement du télétravail, peut se transporter partout. Car aujourd’hui, le bureau est pluriel et nomade. C’est aussi un bureau qui va anticiper les besoins des collaborateurs et les accompagner tout au long de leur carrière et de leurs moments de vie.


*L’auto-évaluation D&I de Sodalitas est un outil en ligne qui permet aux organisations signataires de la Charte italienne de la diversité d’obtenir une première mesure de leurs performances en matière de D&I et de comprendre leur positionnement en termes de gestion inclusive de leurs ressources humaines. La Charte pour l’égalité des chances et l’égalité au travail est une déclaration d’intention, signée volontairement par des entreprises de toutes tailles, pour la diffusion d’une culture d’entreprise et de politiques de ressources humaines inclusives, exemptes de discrimination et de préjugés, capables de valoriser les talents dans toute leur diversité.


AFMD

L’AFMD est une association française d’intérêt général fondée en 2007 par des managers soucieux et soucieuses de gérer au mieux la diversité de leurs collectifs de travail.
Réseau, espace d’échanges et laboratoire d’idées, elle réunit aujourd’hui plus de 180 organisations (entreprises, institutions, collectivités, associations, grandes écoles et universités) mobilisées en faveur d’un cadre de travail inclusif et respectueux de chacun·e.
L’AFMD et ses membres s’appuient sur les résultats de la recherche scientifique et la pratique quotidienne des professionnel·le·s pour travailler sur différentes thématiques en lien avec la transformation des fonctions managériales et la prévention des discriminations en milieu professionnel.