Innovation : comment les proptech transforment le secteur immobilier

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  • Philippe Boyer

    Directeur des relations institutionnelles et de l'innovation

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Le monde immobilier s’est enrichi ces dernières années de nombreuses start-up, appelées « proptech » contraction de « Property » + « Technology ». Ces jeunes pousses proposent des services innovants aux acteurs du secteur, pour relever les défis qui leur font face – notamment sur les questions environnementales ou de nouveaux usages. Quels sont les leviers de développement de ces proptech ? Quels types de collaboration développent-elles avec les groupes immobiliers ? Sur quelles thématiques vont-elles se concentrer dans les années qui viennent ? Le point avec Philippe Boyer, directeur de l’innovation et des relations institutionnelles chez Covivio.

Le secteur de l’immobilier a vu naître depuis une dizaine d’années de nombreuse start-up, les proptech. Comment peut-on les définir ?

Philippe Boyer : Les proptech sont des sociétés qui s’appuient sur des innovations technologiques pour proposer de nouveaux produits ou services dans le secteur de l’immobilier. Elles interviennent dans des domaines très variés : de la conception des immeubles à leur exploitation en passant par l’expérience des occupants. Leurs clients sont avant tout des acteurs de l’immobilier (foncières, promoteurs, agences…).

Comment expliquer leur développement ?

Philippe Boyer : Entre 2015 et 2019, nous avons assisté à un véritable boom des proptech en lien avec plusieurs phénomènes cumulatifs. D’abord, la dynamique du monde immobilier adossée à des financements faciles. Nous avons connu une certaine euphorie – parfois excessive – des acteurs du secteur à leur endroit.

Ensuite, il y a eu l’émergence de nouvelles technologies, qui ont incontestablement joué un rôle positif : ces jeunes entreprises se sont appuyées sur des technologies matures ou naissantes (l’internet des objets, la géolocalisation, les algorithmes prédictifs, la modélisation numérique des immeubles…)  en proposant de nouveaux services. Dans le même temps, l’intérêt pour les solutions digitales a également progressé parmi tous les acteurs de la chaîne immobilière en considérant à juste titre que l’immobilier, dans toutes ses composantes, allait devenir de plus en plus digitalisé et « dataifié » avec l’usage de la data.

Enfin, et en guise d’ultime facteur favorable à l’émergence de ces nouveaux acteurs, citons la question environnementale qui s’est largement imposée. De nombreuses proptech se sont développées avec comme proposition de valeur l’idée que les nouvelles technologies pouvaient aider à décarboner l’immobilier, en travaillant par exemple sur la maîtrise et la connaissance fine des consommations énergétiques des immeubles.

Le secteur des proptech bénéficie-t-il toujours d’une conjoncture favorable aujourd’hui ?

Philippe Boyer : Depuis quelques années, la conjoncture est moins porteuse. Le monde immobilier a dû faire face à de nombreux défis (renchérissement du coût de l’énergie, contexte financier moins favorable …) et à une crise qui n’est pas terminée. Tout cela, par ricochet, a également impacté les start-up de notre industrie. Pour autant, et sur des secteurs très porteurs comme l’adaptation au changement climatique, l’IA appliqué à l’immobilier pour, par exemple, automatiser l’évaluation énergétique et planifier les rénovations de bâtiments, etc a assisté à la naissance de nouvelles proptech prouvant au passage que sur des sujets très spécifiques, la technologie pouvait apporter un réel supplément de valeur aux acteurs du secteur.

Quelles relations Covivio a-t-il noué avec ces proptech ?

Philippe Boyer :  Très tôt, Covivio a engagé des collaborations ciblées avec des proptech sur des thématiques opérationnelles concrètes : maîtrise de la qualité de l’air intérieur, métrologie et pilotage des consommations énergétiques, gestion des bornes de recharge pour véhicules électriques, maintenance des ascenseurs ou encore diversification de l’offre de restauration au sein des immeubles.

Aujourd’hui, dans les trois pays où le Groupe opère — France, Allemagne et Italie — Covivio collabore avec une trentaine de proptech. À chaque fois, notre grille de lecture est simple et pragmatique : le service ou le produit proposé doit répondre à un besoin opérationnel clairement identifié et s’intégrer efficacement dans l’activité quotidienne de nos équipes et de nos actifs.

Quelles solutions ont pu être déployées grâce à ces partenariats ?

Philippe Boyer : Par exemple, nous travaillons avec la société WeMaintain qui réalise la maintenance d’ascenseurs de notre patrimoine bureaux. C’est une proptech qui travaille beaucoup sur les sujets de maintenance prédictive des machines

Autre exemple : nous collaborons avec Witco, c’est une plateforme digitale pour bureaux, qui centralise sur une seule application la réservation d’espaces (bureaux, salles), les services aux occupants (restauration, mobilité, événements, maintenance), la communication avec le gestionnaire ou le propriétaire. Plusieurs immeubles Covivio et Wellio, notre filiale Bureaux opérés, et donc des milliers d’utilisateurs, utilisent au quotidien Witco que l’on retrouve en téléchargeant l’application sur son smartphone.

Quelles sont les conditions d’un partenariat fructueux avec ces start-up ?

Philippe Boyer : Comme dans tout partenariat, la première condition du succès réside dans une phase d’acculturation réciproque. Les temps de décision, les modes de fonctionnement et les contraintes d’une grande entreprise ne sont, par nature, pas ceux d’une start-up, et cette asymétrie doit être comprise et assumée par les deux parties.

La relation doit donc se construire sur une double exigence de connaissance et de confiance mutuelles : à la proptech de comprendre les spécificités de notre patrimoine, de nos métiers et de notre organisation, et d’adapter ses solutions à ces réalités opérationnelles ; à nous, en parallèle, d’anticiper les conditions d’intégration de ces technologies dans nos processus et nos pratiques métiers.

Ce travail d’alignement, souvent sous-estimé, est pourtant déterminant. Il suppose du temps, de la pédagogie et une réelle capacité à apprendre à travailler ensemble, à s’“apprivoiser”, afin de transformer une innovation technologique prometteuse en création de valeur durable.

Quelles sont les grands enjeux autour desquels vont se concentrer les proptech dans les années qui viennent ?

Philippe Boyer : De nombreuses proptech qui ont émergé ces dernières années, certaines avec succès, se sont spécialisées sur les questions environnementales, et cela sous un angle de plus en plus technologique, aidé en cela par l’internet des objets, les données et depuis quelques années l’IA. Ces start-up travaillent aussi bien sur la maîtrise énergétique que sur la résilience des bâtiments ou encore le développement de l’économie circulaire et l’emploi de matériaux recyclés ou biosourcés afin qu’ils puissent être utilisés dans les projets de construction et de rénovation.

Ces enjeux s’imposent de plus en plus à tous les acteurs immobiliers et, de ce fait, représentent des thématiques d’avenir pour ces start-up. Citons également le déploiement de l’IA et, avec lui, les progrès réalisés en matière d’exploitation d’innombrables données (Big data) ainsi que tout ce qui a trait à la réalité virtuelle. Si on sait, depuis au moins dix / quinze ans, concevoir des immeubles grâce à ces dernières technologies, la nouveauté c’est que l’IA permettra de dépasser la simple phase de conception pour accompagner l’ensemble du cycle de vie des immeubles, depuis l’optimisation des choix constructifs jusqu’au pilotage en temps réel de leur exploitation, en affinant les usages, les performances énergétiques, la maintenance et, plus largement, l’expérience des utilisateurs.